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"J'adore votre génération !" (@jemenbatsleclito) Camille Aumont Carnel



Dans le cadre de l'opération journaliste d'un jour (article ici, si tu n'avais pas suivi) nous avons eu le plaisir, Ninon, Clémence, Maïa et moi, d'interviewer Camille Aumont Carnel, alias @jemenbatsleclito, sur son expérience avec son compte Instagram mais surtout sur un tabou bien ancré que beaucoup de filles connaissent: les règles. Pourquoi les filles n'osent-elles pas toujours en parler et d'où vient cette gêne ? Quels impacts sur la vie de certaines femmes ? Décomplexante, motivante et passionnante, nous n'avons pas pu nous résigner à ne publier cette interview qu'en partie dans le journal J1J et nous vous permettons aujourd'hui de la découvrir dans son intégralité !





1. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour celles/ceux qui ne vous connaissent pas ?

« Je suis Camille Aumont Carnel, j’ai 23 ans et je suis influenceuse, militante, autrice et entrepreneuse féministe. La plupart me connaissent car je suis la créatrice du compte Instagram @jemenbatsleclito qui abat les tabous sur les femmes, la sexualité… de façon très « cash » et je pense que ça fait du bien ! »



2. Dans votre biographie Instagram, vous parlez de « tabou » ... Comment vous est venue l’idée ou le besoin de les briser (que ce soit au sujet de la sexualité, de l’orgasme féminin, de la drague ou du harcèlement de rue mais aussi des règles) ?

« J’ai toujours été profondément féministe, avec un gros caractère : j’étais dans la restauration après mon bac, c'est un milieu très sexiste où je me prenais des remarques à longueur de journée ! J’ai surtout eu une éducation et des parents féministes : j’ai grandi avec une mère diplomate et un père au foyer. Donc j’ai toujours eu une image de la femme qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, qui travaille, etc. Pour mon compte Instagram, j’ai eu l’idée de sa création au lendemain d'une soirée ; à ce moment-là, j’avais 21 ans. Assise sur le canapé, j’écoutais mes copains parler de sexualité et notamment de la façon de faire jouir une femme et j’ai été complètement choquée ! Alors, je me suis rendu compte de deux choses : que les femmes ne communiquent pas par rapport à ça et qu’il n’y a surtout aucun de moyen de s’informer sur ce sujet. J’ai eu alors ce besoin de créer mon compte Instagram. »



3. Vous arrive-t-il d’avoir des retours négatifs, choqués ou dégoûtés sous vos publications ?

« Tous les jours, tout le temps. Les haters, c’est mon quotidien : par exemple, des gens qui ont envi de me tuer car je suis une femme noire qui parle de sexe ! Que je sois honnête avec vous, le plus dérangeant ce n’est pas qu'il y ait des haters, car de tout de façon dès que tu deviens un personnage public, c’est toujours un peu compliqué et tu as forcément des gens qui seront là pour te critiquer. Mais en fait, mes haters sont des femmes de 40/50 ans. Ce sont des générations qui sont coincées entre deux périodes de libération sexuelle : mai 68 et MeToo, ces dernières années. Le problème n’est pas tant que j'en parle mais que, par effet miroir, je leur renvoie au visage le fait qu’elles ne sont pas forcément libérées, qu’elles n’arrivent pas ou même qu’elles ont honte de communiquer sur la sexualité. »


4. Pourquoi cette gêne autour des règles ? Est-ce que les règles, c’est sale ?

« Non, les règles ne sont pas sales, les pertes non plus, c’est totalement naturel ! Ce qui fait que les gens pensent que les règles sont sales, c’est que ça sort d’un vagin. Cet organe est une contradiction à lui seul : autant, il y a une sorte de fascination, d’obnubilation autour de lui, autant il peut vite être la source du plus grand dégoût. C’est aussi l’industrie de la pub et du marketing qui n’a pas aidé avec cette image de » liquide bleu qui sent les fleurs » alors que ça ne ressemble pas du tout à ça. Les règles sont donc taboues car il y a quelque chose qui nous échappe complètement et tout ce qui nous échappe nous fait peur. De se dire que ça ne se contrôle pas, que tous les mois, du sang coule de ton vagin, que tu éjectes soi-disant le nid d’un futur enfant… installe une sorte de fascination assez puissante qui fait que les gens pensent que les règles, c’est sale. Tant qu’on n'en parlera pas dans les moindres détails, cela restera tabou. »



5. Est-ce que ce tabou instaure une honte chez les femmes ? Qui pourrait exister aussi chez les hommes ?

« Évidemment que ça instaure une honte, mais pas des règles en soit, jamais personne ne te dira : « J’ai honte d’avoir mes règles ». Mais par contre, ce que ça peut procurer : des taches sur le pantalon, le fait d’avoir mal au ventre et de devoir dire « j’ai mes règles », de devoir partir aux toilettes avec tes protections dans les mains ou même quand tu dois acheter une boîte de tampons ou de serviettes ! En fait, c’est vraiment qu’il ne faut pas que ça se sache et surtout que tu ne peux pas faire ce que tu veux quand tu as tes règles. Alors qu’au contraire, tu peux vraiment faire tout ce que tu veux ! »



6. On répond quoi à une remarque comme : « T’as tes règles c’est ça ? » lorsqu’on est énervée ?

« Franchement, ceux qui disent ça, envoyez les chier ! Il n’y a pas d’autres mots ! Tu as juste envie de sortir les crocs et de leur balancer ta serviette au visage ! J’avais fait un post là-dessus, je crois que c’était : « Oui j’ai mes règles, mais dans tous les cas, je t’aurais envoyé chier ». On en a marre des remarques de ce genre ! »



7. Quels impacts concrets ont ces tabous dans la vie des femmes (notamment dans le milieu scolaire ou professionnel) ?

« Je dirais, tout d’abord, ce que j’appelle la « charge menstruelle », parce que mine de rien quand tu as tes règles tu dois penser à 1000 choses à la fois : attends, j’ai mes règles, il faut que je pense à emmener des serviettes, il ne faut pas que j’oublie de changer de tampon… Donc en fait sur une journée, c’est impossible de se concentrer à 100%. Cette charge menstruelle est donc très lourde, mais au-delà de ça, il y a aussi le fait de ne pas sentir bien, d’avoir des douleurs et c’est quelque chose qui n’est pas encore reconnu. C’est encore très dur sur le lieu de travail ou à l’école, de trouver un distributeur de tampons ou de serviettes, ou même de se dire que 4 jours dans le mois, tu as la permission de ne pas aller au travail parce que tu souffres, etc… Donc ça crée un déséquilibre, tu ne peux pas être à la fois au top de tes capacités et en même temps, être entrain de littéralement pisser le sang. »



8.Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une adolescente qui passe par là ?

« Le conseil que je donnerai est d’en parler. Tu trouveras sûrement des gens qui seront d’accord avec toi, d’autres qui ne le seront pas. Mais tant pis, impose-leur ce que tu vis, on a plus le temps, ni l’envie de devoir expliquer des choses que certains ne comprendront jamais. Fais ce qui est le mieux pour toi, et n’écoute pas les gens qui te contredisent alors qu’ils ne vivent pas du tout dans ton corps à ce moment-là. »



9. Quelles(s) solutions pour changer ce tabou en milieu scolaire ou même faire face à la précarité menstruelle ? Faut-il mettre à disposition des jeunes filles des protections hygiéniques gratuites ?

« Bien sûr ! Et il faudrait aussi avoir la possibilité d’avoir une sorte de « congé menstruel ». Ça devrait être légal, naturel, que ce soit pour les jeunes filles qui souffrent d’endométriose ou même tout simplement, celles qui souffrent énormément durant leurs règles. En fait, il faudrait que tout soit adapté aux femmes qui ont leurs règles et arrêter de les faire culpabiliser lorsqu’elles ne veulent ou ne peuvent pas venir au travail ou en cours à cause de leurs règles. »



10. D’après vous, faudrait-il un remboursement partiel ou total des protections afin de combattre la précarité menstruelle ?

« Il faudrait un remboursement total ! Est-ce qu’on a décidé d’avoir nos règles ? En plus, l’État se fait de l’argent grâce à ça ! Ce n’est pas encore considéré comme un produit de première nécessité, alors que c’est une source d’angoisse, tu peux vraiment tomber malade si tu n’as pas une bonne hygiène menstruelle : il faut bien se laver les mains, penser à changer sa protection toutes les 4 heures sinon ça peut être très mauvais, pouvoir se nettoyer… Donc bien sûr, il faudrait un remboursement total des protections hygiéniques ! »



11. Et enfin, est ce que vous auriez un dernier message à faire passer au futurs lecteurs/lectrices ?

« Je vous souhaite beaucoup de courage !

J’adore votre génération, vous voyez, moi à votre âge je ne faisais pas un article sur le sujet des règles !

Ayez confiance en vous, envoyez chier toute personne qui vous dit que vous êtes trop jeunes pour penser ou dire quoi que ce soit parce qu’en attendant, c’est vous qui allez changer le monde ! Je suis très fière de vous et je suis très contente de faire partie de cette révolution. Vous utilisez votre voix pour parler de ce genre de sujet et c’est vraiment super beau ! »




Un immense merci à Camille d'avoir accepté cette interview !


Pour la retrouver sur Instagram, c'est juste ici.

Et pour celles et ceux que ça intéresse, elle a lancé un projet participatif de guide d'éducation sexuelle : https://www.instagram.com/lafaqdecamille/




 

Interview réalisée par Clémence, Maïa, Ninon et Camille M.

Mise en page : Camille M.

Crédit photo : Camille Aumont Carnel


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