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Les enseignants de Bartholdi en confinement

Dernière mise à jour : 8 oct. 2020

Pendant ce confinement, nous avons interrogé un très grand nombre d'élèves à propos de leur confinement. Pour ce dernier article de l'année (et oui, déjà !), j'ai décidé d'interroger les enseignants du lycée, pour les questionner sur les classes virtuelles, ou le retour en cours en présentiel ; l'article est donc divisé en deux parties. Six ont gentiment accepté de répondre à mes questions !



A propos des classes virtuelles


Quatre profs se sont prêtés au jeu de l'interview, questionnés sur les cours en ligne : Mme Lescamela, Mme Straumann, un professeur d'allemand, ainsi que M. Maurer.


1. Quels ont été les changements, importants ou non, que vous avez observés dans votre façon de travailler à la maison et de préparer vos cours ?


Mme Lescamela : Comme 2019-2020 est une période de changement de programme en lycée (il y en a tous les 7/8 ans), il a fallu déjà commencer par préparer tous les nouveaux cours : lire les mises au point historiques, comprendre l'essentiel des chapitres, préparer des activités permettant aux élèves de comprendre les enjeux des sujets. Rien de nouveau jusque-là. Par contre, au début du confinement, j'ai commencé à faire des petites vidéos qui reprenaient plus ou moins ce que j'aurais fait en classe devant des élèves (sans l'interactivité bien sûr) : ça, c'était complètement nouveau ! J'ai eu des retours positifs de la part des élèves et j'ai l'impression qu'elles ont été utiles à une grande partie. Malheureusement, j'ai arrêté d'en faire pour passer aux Classes Virtuelles (nouveauté également), et là, j'ai été moins emballée.


Mme Straumann : Oui, même si mon ordinateur est mon « BestFriend » depuis de nombreuses années, les changements ont été énormes vraiment, car il fallait, comme on le pouvait, essayer de rendre les cours « vivants » sans face à face. Les premières semaines, j’ai eu l’impression de faire un stage TICE intensif ! J’allais piocher dans les cahiers où je prends mes notes pendant les stages et j’ai mis en pratique des techniques nouvelles afin de rendre les cours ou des activités plus attractifs et plus variés. De plus, dans les consignes, il fallait être précis et « guider » au mieux les élèves dans notre démarche pédagogique.


Un professeur d'allemand : Le travail de préparation n'a pas fondamentalement changé. Ce qui a changé, c’est ma façon de travailler. Le fait de ne pas avoir tous les élèves a à la fois a allégé la gestion de classe et m'a permis de plus travailler en tête à tête ou en petits groupes avec des élèves. Pour différents groupes, j'ai pu organiser des oraux de 15 minutes sur la thématique traitée en cours. Cela a donné l'occasion aux élèves de parler davantage que lors des cours traditionnels où l'interaction entre enseignant et élève reste assez limitée.

Le travail en groupe s'est avéré être beaucoup plus difficile à mettre en place que d'habitude. Nos outils ne s'y prêtaient pas toujours et l'interaction avec les élèves lors de ces travaux est plus difficile qu'en temps normal.

Ma façon de corriger les travaux écrits des élèves a également changé. Normalement, je fais une première correction, dans laquelle je me contente de souligner les erreurs des élèves avec un code couleur afin qu'ils corrigent leurs propres textes au cours suivant. Ensuite je recorrige les textes. C'était plus difficile lors du confinement. Dans certains groupes, j'avais beaucoup plus de textes à corriger ce qui rendait impossible cette façon de procéder. Pour les expressions écrites, j'ai dû corriger sur ordinateur, ce qui a rendu l'utilisation de mes codes couleurs habituels très difficiles. Le mode de suivi des modifications de mon traitement de texte, n'est pas non plus très pédagogique et rend la compréhension sans doute assez difficile.

Le dernier problème concerne les expressions écrites avec l'utilisation d'aides, comme par exemple les traducteurs en ligne, dont certains ont un peu abusé. Cela a rendu le travail de l'écrit moins pertinent pendant cette période.


M. Maurer : Pour ma part, cela a systématisé la classe inversée. Nous la pratiquions déjà mais, il faut bien l’admettre, en classe, bien des fois, nous entamions un dialogue pour expliquer, approfondir… bref on avait un dialogue qui permettait de compléter les cours.

Là, le dialogue spontané a été mis à mal et j’ai ressenti la nécessité de fournir des cours plus complets, surtout à destination des élèves les plus fragiles qui sont aussi souvent ceux qui n’osent pas parler, poser des questions, tout en bénéficiant, en classe, des questions que les autres posent.

J’ai donc pris plus de temps pour fournir des cours plus précis, plus complets, plus explicites. Il est évident que cela a été assez chronophage, mais j’y ai aussi pris un grand plaisir car dans l’acte de faire cours il y a l’acte de partager des connaissances, de partager, en ce qui me concerne, une passion pour l’histoire et la géographie.


2. Quel a été l'aspect le plus difficile durant cette période en tant qu'enseignant ? (garder une classe motivée, reprendre son organisation de cours etc.)


Mme Lescamela : Le plus difficile : le manque d'interaction avec la classe en tant que groupe. Les petites vidéos ne le permettaient pas, et les CV ont vite montré leurs limites. Du point de vue individuel, j'ai gardé contact avec de nombreux élèves qui m'écrivaient sur MBN. Mais répondre aux questions d'1 ou 35 élèves, ce n'est pas pareil : il se passe quelque chose dans l'espace classe, dans la dynamique de groupe ! Et bien entendu, échanger au travers d'un média n'a rien à voir avec un échange en chair et en os. J'ai un regret : ne pas avoir imposé la caméra pendant les CV ! J'aurai pu garder un œil sur tout le monde, même ceux qui venaient à peine de se réveiller !

Petite précision : Depuis quelques semaines, on observe un cruel "profbashing" relayé par les médias et une partie de la population. Je tiens tout de même à rappeler que les enseignants n'ont aucun matériel personnel fourni par l'Education Nationale : l'opération "Lycée 4.0", qui a consisté à donner un ordinateur à tous les élèves de la Région Grand Est, ne les a pas concernés. Chaque professeur a donc fait avec les moyens dont il disposait, et sa maîtrise du numérique, mais tous ont assuré cette "continuité pédagogique". Pointer du doigt quelques cas isolés de "professeurs décrocheurs" (5%, soit le même chiffre que dans n'importe quelle autre profession), avancer de faux chiffres dans les médias (40% de tire-au-flanc alors que les normes sanitaires ne permettent pas de faire cours à plus de 12 élèves et qu'il n'y a donc pas assez de place dans les établissements), a eu le don d'énerver de nombreux enseignants, moi la première.


Mme Straumann : Tout est encore difficile pour moi en visio. C’est un outil que je n’avais jamais utilisé et je pensais pouvoir enfin retrouver l’interaction grâce à elle. Mais les problèmes de connexion, de micro ou de passivité de certains sont des obstacles que je n’ai pas encore réussi à surmonter. J’essaie cette semaine un genre de classe inversée pour provoquer l’interaction orale. Nous verrons… Pour l’instant, ma seule vraie satisfaction pendant la classe virtuelle a été d’entendre la voix des élèves, une vraie émotion à chaque fois.



Un professeur d'allemand : Le problème le plus important lors des cours en ligne en groupe entier est de faire parler les élèves. Quand il y a trop d'élèves présents en cours, plus personne n'ose prendre la parole face au micro. Il n'y a aucun problème pour avoir des réponses écrites, mais à l'oral ...

Un autre problème est qu’on ne voit pas le langage corporel des élèves. Lors d'un cours, quand je pose des questions, je vois sur le visage des élèves s'ils ont compris ou non. Quand on ne les voit pas, cela devient tout d’un coup très difficile.


Le fait que leur enseignant(e) ne puisse pas les voir, semble aussi inciter certains élèves à se connecter au cours puis à baisser le son et à faire autre chose (ce qui, contrairement à ce qu'ils pensent, se voit).

En résumé, le manque de contact, le manque de présence réelle et d'interaction par des moyens de communications non-langagiers, rend la communication très difficile.


M. Maurer : Le plus difficile c’est de garder, dans certaines classes, la motivation. Quelques élèves ont pris ce temps de confinement et d’enseignement à distance comme un temps de vacances. Absences, présences virtuelles, jeux vidéos en simultanés du cours… En classe, on peut toujours, en circulant dans les rangs, ramener l’élève rêveur à son travail. Par écran interposé, ce contact là n’est plus possible. Mais je me dis aussi que certains ont donc décidé de prendre clairement leurs responsabilités et de ne pas jouer le jeu. Il fallait, je le sais bien, pour les élèves, une certaine auto-discipline liée à une certaine maturité. Je pensais, naïvement peut-être, qu’en 1ère, la compréhension des enjeux étaient là… Cela, à mes yeux, pose d’autres questions et ouvrirait un autre débat.


3. Au contraire, y a-t-il eu des points positifs particuliers qui en sont ressortis ?


Mme Lescamela : L'idée des capsules comme je l'ai évoqué plus haut : je me dis que c'est une idée intéressante à garder, en parallèle des cours. Si j'explique un point compliqué en classe, cela pourrait permettre aux élèves de le revoir à la maison tranquillement. En HGGSP, nous avons aussi travaillé sur le projet Ruptures. Les élèves se sont bien impliqués dans l'ensemble et j'aimerais essayer de le refaire tous les 5 ou 10 ans.


Mme Straumann : Non, pour l’instant, peu de points positifs. En fait, si, un ; les groupes de visio se sont réduits lorsqu’un grand nombre d’élèves est retourné au lycée en présentiel. Nos petits groupes et l’écran comme protection ont permis à certains élèves discrets d’habitude de s’exprimer davantage…


Un professeur d'allemand : J'ai pu travailler d’avantage l'oral avec les élèves, leur proposer des entretiens en allemand, sans que les autres aient trop à attendre. En temps normal, c'est difficile à mettre en place. Et pourtant, en langues vivantes, il s'agit d'une activité très intéressante, une activité qui est répandue en CPGE et qui peut bien faire progresser les élèves.

Avec certains groupes d'élèves, la communication a aussi été beaucoup plus vivante vu qu'elle ne se limitait pas qu'aux heures de cours.


M. Maurer : J’ai, personnellement, trouvé dans cette expérience de belles surprises, de belles expériences. Ce temps a permis à certains élèves silencieux en classe, de prendre la parole. Peut-être qu’ils étaient loin du regard physique des camarades et se libéraient, peut-être aussi que je les interpellais directement parce que je n’avais pas devant moi les doigts levés des habituels volontaires pour répondre… Je pense aussi que pour certains, la prise de parole a été possible car libérés de la peur de l’erreur sanctionnée par une note. En effet, nous avons travaillé libérés de la dictature de l’évaluation permanente et ce côté décomplexé a sans doute permis à certains de se risquer à l’oral et de se dire qu’apprendre ne rime pas avec note ! Et là, j’en viens à rêver d’une école sans note, sans évaluation permanente mettant l’élève en situation permanente de stress. Où est le plaisir de l’apprentissage là ? Je me dis qu’il y a là des pistes à explorer pour oser une autre manière de concevoir l’école et l’acte d’apprendre. En tout cas, j’ai clairement eu la joie de voir chez certains timides des progrès se réaliser dans la prise de parole et aussi dans la maîtrise des méthodes, car, à force de forger, ils ont acquis des réflexes. Ce point là est une joie profonde pour moi.

J’ai aussi beaucoup aimé les discussions qui se sont nouées via des messages privés. Ces moments de discussion m’ont aussi permis de découvrir des personnalités, des qualités. Je crois vraiment que ce temps m’a permis de mieux connaître certains élèves. Et puis, clin d’œil, une complicité avec une classe particulière s’est aussi renforcée. Je suis très heureux de la photo des confinés qui a été réalisée… Pour moi, elle restera la plus belle des photos de classe de ma carrière… et en écrivant cela, j’espère que certains élèves devenus des amis désormais ne liront pas ces lignes et ne me voleront pas dans les plumes car j’avais eu, avec eux aussi, un rapport humain extraordinaire et nous avions fait la photo de classe le jour dit « chic », nous étions tous en grande tenue… J’étais leur prof principal, ils ont exigé ma présence et cette photo je l’ai toujours… Je crois qu’elles seront parmi les beaux souvenirs de mon job car elles me disent de belles rencontres humaines et de beaux partages. Sans ces réalités-là, je ne ferais plus ce métier ! Je dois dire que de n’écrire que via un écran, nous sommes arrivés à faire aussi vivre ce lien humain, j’en suis heureux !


4. Comment appréhendez-vous ou vivez-vous le retour au lycée, que ce soit actuellement en petits groupes, ou pour la rentrée en septembre ?


Mme Lescamela : Pour ma part, j'ai déjà repris avec les Premières et quelques terminales qui sont au rattrapage. Nous sommes 11 par classe et, personnellement, je trouve que les conditions sont optimales. La distance des 1m empêche tout bavardage. Les plages sont de 2 heures complètes (pas de pause) et les élèves sont frais puisqu'ils n'ont que très peu d'heures de cours la journée. Il est beaucoup plus facile de venir répondre à leurs questions. Je crois que je n'ai jamais aussi bien travaillé, et si on pouvait au moins garder des classes moins chargées en septembre, ce serait une réelle évolution ! Mais j'y crois peu...


Mme Straumann : Oui, bien sûr, je suis inquiète, et le retour en classe entière me semble très angoissant. Le port d’un masque est un gros obstacle à la communication et à l’interaction et les règles de distanciation vont nous demander un grand contrôle au sein de la classe.


Un professeur d'allemand : Ce n'est pas trop la rentrée que j'appréhende, c'est la période froide, parce que pour l'instant, personne ne sait comment la situation va évoluer.


M. Maurer : Le retour en classe… Je le souhaite car le contact humain est fondamental. C’est la base même du métier. Mais à titre tout à fait personnel, liés à ma réalité de vie, je le redoute aussi. Ce temps de confinement m’a aussi amené à prendre conscience de certaines réalités et je devrais peut-être en tirer, à titre personnel, des enseignements ou des conclusions et, pour l’heure, je ne peux rien dire d’autre. Mais je sais qu’enseigner et accompagner des élèves reste pour moi une joie profonde.


des aménagements ont été mis en place dans la salle des profs pour respecter les mesures de distanciation


Au sujet du retour au lycée


J'ai pu interroger deux professeurs au sujet de leurs ressentis sur le retour en classe en présentiel : Mme Kapp, et un enseignant souhaitant rester anonyme.


1. Qu'est-ce qui vous avait le plus manqué pendant la période de cours en visio ou en ligne ?


Mme Kapp : Oups …. Pas grand-chose …. Mais il est temps que cela cesse !


Un professeur anonyme : Durant cette période de fermeture de l’établissement, ce qui m’a le plus manqué est sans aucun doute les échanges en classe avec les élèves. La transmission des savoirs est au cœur de notre métier, mais ce qui m'a marquée durant cette période est à quel point j'étais attachée au fait que celle-ci ne se dissocie pas des interactions avec les élèves. Cela m'a ainsi manqué de ne pas pouvoir, en direct, adapter mon contenu à la compréhension des élèves et répondre à leurs questions sans avoir à passer par une rédaction formelle d'un mail ou via une interface numérique qui bloque une partie de la spontanéité.


2. Le plus étrange ou compliqué dans le fait de faire cours en présentiel, vu les conditions ?


Mme Kapp : Le plus étrange : le peu de personnes croisées dans les couloirs, le port du masque qui ne facilite pas les explications audibles, l’impossibilité en sciences de faire manipuler, l’impossibilité d’envoyer les élèves au tableau…

Compliqué : la dualité présentiel-distanciel pour un même groupe de spécialité donc horaire réduit de moitié pour finir de traiter le programme (et tous mes élèves n'ont pas fait la même chose).


Un professeur anonyme : Le plus compliqué dans le fait d'avoir repris les cours en présentiel est d'assurer la même équité pour ceux qui n'ont pas pu revenir et qui poursuivent ainsi leurs cours à distance. En dehors de ce fait, il est bien entendu difficile de toujours bien se faire comprendre (ou comprendre) le sens de tous les mots prononcés derrière un masque... Un effort d'articulation constant est nécessaire !


3. Au contraire, y voyez-vous un avantage ?


Mme Kapp : Avantages : le calme, pas de sonneries, pas de bruit ; j’ai assez peu d’élèves donc l’individualisation s’envisage aisément et je suis encore plus disponible pour eux.


Un professeur anonyme : Les deux premières semaines de cours se sont déroulées avec un maximum de 12 élèves par classe. Et cela n'a fait que confirmer l'impact indéniable de l'effectif d'une classe sur l'efficacité d'un cours. Non seulement le prof ressort moins fatigué de ces 2h de cours contre les 50 minutes habituelles, mais on a plus de temps à accorder à chaque élève et il est bien entendu plus aisé d'adapter le contenu aux besoins de chacun.



4. Gardez-vous un enseignement, une habitude ou autre des cours en visio pour le retour à des cours en présentiel ?


Mme Kapp : OUI : bien faire en sorte de vérifier que tout le monde est prêt à commencer en début de séance, aller à l’essentiel lors des séances, bien résumer ce qui est à retenir en fin de séance, utiliser des supports différents (QuinZinière, socrative, casier de collecte MBN …), améliorer encore la gestion de la parole de l’enseignant (ton, rythme, volume sonore, silences).

Un professeur anonyme : J'avais déjà l'habitude de déposer mes documents de cours en ligne afin que les élèves puissent y avoir accès (lorsqu'ils ont été absents par exemple). Je pense toutefois que cette période aura permis que les élèves s'approprient mieux cet espace d'une part, et gagnent par ailleurs en autonomie dans leur travail personnel à distance.



Un énorme merci aux professeurs d'avoir pris le temps de répondre à mes questions, malgré le rush de fin d'année et les préoccupations qui pouvaient déjà les occuper !

Et surtout, merci à vous, lecteurs et lectrices, de nous avoir suivi jusqu'à ce dernier article de l'année scolaire... A très vite ;)


Propos recueillis et mis en page par Adèle L.

 

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