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Théâtre à Bartholdi : Christine de Suède

Il se peut que vous fassiez partie des chanceux qui ont eu l'occasion d'aller assister à la représentation de Christine de Suède, pièce musicale baroque intégralement montée par M. Maurer et son ensemble, et jouée le vendredi 17 janvier en Salle des Actes. Si ce n'est pas le cas, ou si vous souhaitez simplement vous replonger dans cet univers, je vous invite à lire cet article (photos et vidéos à la clé !) récapitulant le parcours de la pièce, véritable témoin de l'histoire de cette femme hors du commun.



1. Le point histoire : mais qui est cette Christine ?


« Voici ma fille, le futur roi de Suède »

... voici la déclaration de Gustave II Adolphe, roi de Suède, prononcée à la naissance de sa fille. Par cette exclamation plutôt paradoxale, le roi fait de Christine son successeur (eh oui, au masculin !) : ordinairement, les reines n'avaient aucun pouvoir, et se pliaient à celui de leur mari. Or, en déclarant Christine "roi de Suède", son père lui donne les pleins pouvoirs et lui octroie surtout le droit de gouverner comme elle l'entend. Christine bénéficiera ainsi d'une éducation masculine, mêlant histoire, sciences, sports (dans lesquels elle excelle), littérature et musique. Cette dernière discipline occupera, nous le verrons, une place très importante dans la vie de la reine.

Cette éducation particulière ouvre Christine sur le monde, et développe chez elle une curiosité qu'elle n'aura de cesse de cultiver. La souveraine incarne ainsi une femme libre, cultivée, brillante, tolérante, impulsive et passionnée (rien que ça). Cette fougue se retranscrit d'ailleurs dans son règne ; ses idéaux et ses volontés sont en effet globalement à l'inverse des normes de l'époque.

En effet, le XVIIème siècle se présente comme un siècle de violence et de guerre : la Suède est d'ailleurs engagée dans celle qui fait rage en Europe pendant l'enfance de Christine... et durant laquelle le roi, son père, perdra la vie. Cette mort est vécue comme un véritable tragédie par Christine, qui se jure alors d'arrêter ces guerres à tout prix et de rétablir la paix. Elle intervient ainsi toute sa vie dans les conflits afin de les écourter et d'en limiter les conséquences sur les populations. Elle représente donc une véritable force morale, écoutée et respectée par tous les dirigeants européens (c'est d'ailleurs pratiquement la seule femme à exercer une telle influence sur les autres gouvernements !).


Cependant, Christine finit par s'ennuyer sur son trône et cherche à fuir la pression des courtisans qui la poussent à se marier et à avoir des enfants (elle reste une femme, après tout...), et décide d'abandonner la couronne. Elle quitte le pays en secret, se convertit au catholicisme (le comble pour une protestante, à cette époque de conflits religieux !) et part s'installer à Rome... en embarquant, il faut le dire, une grande partie des tableaux et peintures coûteux qu'elle avait fait acheter pour son palais, et en laissant à sa place sur le trône un de ses cousins un peu fêlé.

Elle mène en Italie une vie royale : mécène de tous les artistes comme c'est la mode à l'époque pour les grands hommes religieux (peintres, musiciens, danseurs...), et elle ouvre un grand Théâtre public et gratuit où elle monte de nombreux opéras ; elle cherche ainsi à ouvrir les portes de la culture à la population. La musique, et plus précisément l’opéra, occupe en effet une place considérable dans la vie de Christine, particulièrement les compositeurs italiens comme Monteverdi, Corelli ou Stradella (voir la liste des œuvres jouées pendant la pièce plus bas).


Elle rencontre à Rome le cardinal Azzelino, qui prend la place d'un véritable ami et confident (peut-être plus selon les rumeurs...), et échange avec lui une longue série de lettres : cette correspondance, conservée intacte, nous permet aujourd'hui d'en savoir autant sur la souveraine.



Cependant, et ce durant une longue période, la seule raison pour laquelle Christine était célèbre, fut sa prétendue vie de "débauche" : ses nombreuses relations, masculines et féminines, son manque de respect pour les convenances et la diplomatie, l'immense fortune qu'elle dépensait pour la culture (il se pourrait qu'elle ait vidé les caisses de la Suède dans sa course à la connaissance, certes)... En vérité, ces rumeurs s'apparentent à une tentative pour la discréditer : qu'une femme puisse avoir autant de pouvoir et de poids moral semble, pour certains, inconvenant...

Aujourd'hui, on retient plutôt sa volonté de paix, l'apport culturel, littéraire et artistique qu'elle a permis, sa passion pour la musique et surtout cette figure morale si forte qu'elle représentait malgré, justement, son statut de femme.


« J’espère que le monde découvrira un jour les vertus de la tolérance, du vivre ensemble. J’espère que le monde arrivera un jour à laisser la liberté de conscience, d’opinion. J’espère que viendra un jour où toutes les femmes pourront, à mon exemple, être libres et vivre comme elles le souhaitent. J’aimerais que ma confession soit aussi un manifeste… »

extrait de la dernière tirade de la reine, à la toute fin de sa confession


2. Et la pièce dans tout ça ?


Le XVIIème siècle est un siècle extrêmement religieux et croyant : la vie de la population est rythmée par toutes les obligations de la religion. A cette époque existe encore, chez les chrétiens, la notion de « bonne et belle mort » : si un catholique veut "bien" mourir et s'assurer une place au paradis, il doit faire un certain nombre de choses avant sa mort, dont la fameuse confession. Cette époque baroque est, de plus, une époque théâtrale : les grands hommes mourants décidaient ainsi de se confesser en public, et ces dernières paroles prenaient la valeur d'un véritable spectacle. Si Christine est bien morte "en règle", on ne sait toutefois pas si elle a expié ses péchés en public - et c'est néanmoins le parti que prend la pièce.

L'idée de la mise en scène est ainsi de se faire rencontrer Christine et son ami Azzolino, lorsque la souveraine décide de mettre sa conscience en ordre. Le Cardinal se charge ainsi d'assurer l'exactitude des propos tenus par la reine, notamment lorsque la mémoire de cette dernière se fait arrangeuse en passant au dessus de certains détails peu avouables - nous assistons ainsi à de très amusantes scènes de disputes entre les deux amis.

Cinq personnages sont en tout présents sur scène, les acteurs et musiciens représentant différents membres de l'entourage de la reine :


  • La reine Christine de Suède, Isabelle Dumas, dite Zaza

  • Le Cardinal Azzolino, David Mathieu Maurer, clavecin

  • Le compositeur Corelli, protégé de la reine, Cibeles Bullon Munoz, violon

  • Cécilia, la dame de compagnie de Christine, Cindy Favre Victoire, soprano

  • Le Père Orlando, cousin du Cardinal, Jean-Philippe Epron



... musiciens car, en effet, Christine était si attachée à la musique que la pièce ne pouvait pas ne pas prendre en compte cet aspect de sa vie : les dialogues des acteurs sont ainsi ponctués des passages musicaux, discussions entre la voix, le violon ou le clavecin. Voici ainsi la liste des morceaux joués, pour tous les passionnés (ou les avides de découverte !) du Baroque :


Sonate a due, La Ponte pour un dessus et basse continue - Biagio Marini


  • If music be the food of love, 1ère version - Henry Purcell

  • Divisions upon an Italian ground, extrait du The Delightfull Companion - Robert Carr

  • Frog Gailliard et Now o Now, livre 1, chant 6 - John Dowland

  • Se non giova esser fedele, air d'Isabelle, La Tancia ou Il potestà di Calognole, acte II, scène 8 - Jacopo Melani

  • Sonate n°3, opus 5 pour violon et clavecin - Arcangelo Corelli

  • Se nel ben, de l'opéra Oratio Cocle - Alessandro Stradella

  • Si dolce è il tormento - Claudio Monteverdi

  • Sonate a due, La Ponte pour un dessus et basse continue - Biagio Marini


Si dolce è il tormento - Claudio Monteverdi


Histoire, musique, humour, acteurs et musiciens talentueux... la pièce avait tout pour plaire, et remporte un franc succès auprès des spectateurs de Bartholdi ! Un grand bravo aux comédiens, et spécial remerciement à M. Maurer pour avoir monté cette pièce au lycée et nous avoir permis d'y participer.

Si vous souhaitez en apprendre un peu plus sur l'ensemble d'acteurs et de musiciens, c'est par ici : lien vers leur site internet.



Article écrit et mis en page par Adèle L

Relu par M. Maurer

Crédit photos : Adèle L


 

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